L'eau et les marchés financiers

La financiarisation de l'eau

L’eau, l’or bleu, symbole de pureté, de vie et de santé, est l’une de nos ressources essentielles. Elle l'est aussi pour le monde animal et l’ensemble de la flore. Une richesse indispensable à notre survie, offerte par la nature et partagée équitablement entre tous… dans un monde idéal du moins.

En réalité, dans notre société que l’appât du gain mène par le bout du nez, l’eau est devenue une opportunité de s’enrichir pour quelques-uns, un enjeu vital inaccessible pour tant d’autres.

2020, état des lieux

A l’heure actuelle, des millions d’êtres humains n’ont toujours pas accès à l’eau potable. Et nombre d’entre eux perdent la vie, chaque année, parce qu’ils ont consommé une eau infectée. Aussi incroyable que cela puisse sembler lorsque l’on vit, confortablement dans nos sociétés favorisées, l’eau reste un immense enjeu sanitaire à l’échelle mondiale.

Les perspectives pour le futur ne sont pas davantage réjouissantes. De nombreux facteurs, caractéristiques de nos modes de vie, jettent un pronostic sombre sur l’avenir de l’eau. La croissance démographique implique une consommation d’eau potable toujours grandissante. La pollution à grande échelle ruine quotidiennement de gigantesques volumes d’eau. Les changements climatiques modifient durablement et inexorablement les écosystèmes dont l’eau dépend.

La production d’aliments carnés, dont la consommation augmente surtout dans les pays en voie de développement, les industries et l’agriculture intensive exigent des masses d’eau inimaginables. Bref, notre usage de l’eau est excessif et démesuré, d’un côté, alors que nous détruisons nos réserves, de l’autre.

Qu’adviendra-t-il lorsque l’humanité entière manquera d’eau ?

Il n’est pas compliqué d’imaginer la vision apocalyptique d’une humanité en carence d’eau… De manière globale, à l’avenir, nous risquons bien de manquer de cette substance tout simplement essentielle à notre survie, mais aussi à celle de toute la nature qui nous entoure, à notre hygiène, à la fabrication de notre alimentation, à nos industries, etc...

Si ce jour arrive, non seulement nous aurons manqué à toutes nos responsabilités d’habitants de la terre, mais nous serons pris dans un engrenage sans retour possible.

D’innombrables espèces disparaîtront progressivement tandis qu’une part majeure des productions industrielles sera paralysée. En découleront d’inévitables conflits entre les nations, d’abord à force de pressions, d'influence et de dollars, ensuite à travers de véritables guerres armées. Une course à la survie sera lancée dont l’issue ne peut être que dramatique.

Comment est née l’idée de spéculer sur l’eau ?

Plutôt que d’anticiper cette vision d’avenir terrifiante et de prendre toutes les mesures urgentes et nécessaires pour la prévenir, l’homme préfère spéculer sur sa fortune future. Sa passion pour l’argent surpassant son humanité et la conscience de sa propre mortalité, il identifie dans la situation critique de l’or bleu, une opportunité financière.

L’offre en eau diminue à cause de la pollution humaine à grande échelle et des changements climatiques associés. La demande en eau ne cesse d’augmenter du fait de l’agriculture intensive, de la courbe démographique et des besoins de nos industries.

Le calcul est vite fait : voilà une ressource qui se raréfie, qui ne peut que prendre de la valeur à l’avenir et dont la demande ne s’épuisera jamais. De là est née l’idée de parier sur l’eau.

La révolution financière de l’eau est en plein boum. Wall Street convertit notre eau en dollars.

La position des environnementalistes et ses dérives

Les conséquences environnementales et sanitaires d’une entrée en bourse de l’eau allaient forcément être inquiétantes. A l’aube des réflexions sur la privatisation de l’eau, pourtant, l’idée sembla pertinente aux yeux des environnementalistes.

Selon certains d’entre eux, mettre un prix sur l’eau aurait pu inciter les êtres humains à moins la gaspiller et à en freiner l’appropriation. Avoir conscience de son prix favoriserait la conscience de sa valeur. C’était évidemment sans tenir compte des dérives financières à suivre.

Des conséquences inhumaines et menaçantes

La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International exercent des pressions pour encourager la privatisation des ressources en eau. Les investisseurs ne s’y trompent pas et se précipitent sur le filon. Cela génère des situations irréalistes et destructrices.

La conséquence majeure et principale de la financiarisation de l’eau, est la flambée des prix. L’eau, ressource de base à toute vie, devient très coûteuse et donc inaccessible pour les moins nantis.

Quelques exemples de ces effets sont déjà connus à travers le monde. En Australie, le gouvernement a décidé de confier ses ressources en eau à des investisseurs privés. Les agriculteurs achètent de l’eau, au prix fort, à ces investisseurs. Et ceux qui ne peuvent pas payer doivent fermer boutique. Au Royaume-Uni, l’eau est privatisée depuis l’ère Thatcher.

Les compagnies coupent tout simplement l’eau à ceux qui n’ont pas les moyens de se l’acheter. L’Argentine passa brièvement par une gestion privée qui généra une hausse des prix au grand mécontentement de la population, avant de retourner à une gestion publique.

A l’heure actuelle, le marché boursier de l’eau représente 1100 milliards de dollars et affiche une croissance annuelle de 6%. Plus de 100 indices boursiers gravitent autour de ce marché. De nombreux fonds de placement comme HSBC, UBS, Allianz, Goldman Sachs, entre autres, spéculent sur le coût de l’eau à l’avenir. Autant de parieurs prêts à jouer avec la vie de millions de personnes tant que leur portefeuille s’en porte bien.

Les opposants à la financiarisation de l’eau

Depuis plusieurs années, face à cette tendance à la privatisation et à la financiarisation de l’eau, des associations et des activistes se sont déjà mobilisés. Une lutte inégale entre des géants de la finance, portés par des arguments déshumanisés, et des défenseurs des droits fondamentaux, de tout homme, d’avoir un accès à l’eau potable. L’issue de ce combat pourrait bien dessiner les traits de notre avenir et le destin des générations futures.

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